lesbophobie

Suzette RobichonMyriam Lamare

Sexisme et lesbophobie dans le sport

Sexisme et lesbophobie dans le sport, invariants et outils pour les dégommer.
Suzette Robichon et Myriam Lamare

 

Conférence en mp3 à télécharger. Durée 2h30 env

Débat sur les stéréotypes dans le sport et les dommages qu'ils provoquent chez les jeunes filles puis les adultes. À contrario, nous notons des changements positifs avec quelques exemples récents comme Rapinoe la joueuse américaine engagée maintenant à Lyon.
Le sport peut aussi être un outil de solidarité lesbienne internationale comme l'a démontré Foot For Love l'an passé, initiative qui continue en 2013.

Suzette Robichon ou Triton est une militante d'hier, au groupe Lesbiennes de Paris en 1978, et d'aujourd'hui avec Les Dégommeuses. Elle a travaillé à Quand les femmes s’aiment, premier journal lesbien national (1978-1980), Masques, Vlasta et Lesbia.

Myriam Lamare est championne de boxe, conseillère régionale PACA et chef d'entreprise.

 

Cette matinée de débat s’est articulée autour de l’intervention de Suzette Robichon activiste lesbienne, de la projection du film Alice Milliat, la conquête du sport féminin, du témoignage de Myriam Lamarre championne du monde de boxe anglaise, et en dernière partie d’un point sur le sexisme et la lesbophobie avec la présentation des actions de l’association Les Dégommeuses. En voici ci-dessous une synthèse.

Introduction au débat par Suzette Robichon : Pourquoi ce débat ?
Le sexisme et la lesbophobie dans le sport sont un objet de réflexions et d’activités relativement récent dans la communauté lesbienne.
Nous avons souvent réfléchi ou discuté du désir, du faire l’amour, de la santé, du handicap, du bien être mais très rarement du plaisir du jeu des muscles, du plaisir à prendre part à un jeu collectif.
Pourtant de nombreuses associations sportives et conviviales lesbiennes existent depuis les années 1990, et les filles y sont nombreuses, et elles sont également présentes dans les Gay games, Eurogames.
Mon travail dans le secteur éducatif m’a permis de constater l’importance du sexisme, de l’homophobie et de la lesbophobie dans le sport. Dans ce cadre là j’ai eu la chance de rencontrer et de travailler avec Nicole Abar, ex-footballeuse professionnelle. L’exclusion en 1998 du club du Plessis Robinson des licenciées féminines, les injures sexistes et lesbophobes subies dirigées contre elle, l’ont poussée à créer l’association "Liberté aux joueuses" qui intervient auprès des jeunes.
Puis plus tard en 2012 j’ai participé à Foot for Love, semaine d’action contre la lesbophobie de l’association Les Dégommeuses dont je reparlerai un peu plus tard. C’est de là qu’est née mon envie de traiter ce thème.

Quelques mots sur le début du sport féminin :
C’est au milieu du XIXème siècle que l’on commence à parler de sport dans nos sociétés occidentales.
Il s’agit d’abord de sport masculin, et d’un discours très viriliste et hygieniste: la France a perdu la guerre et il faut donc que les hommes gagnent des muscles pour pouvoir vaincre l’ennemi !
Au niveau des femmes est énoncé un double discours : elles doivent faire de beaux bébés, de beaux garçons qui feront de la France une nation forte. Il faut donc qu’elles soient en forme, qu’elles aient une bonne hygiène de vie. Un peu d’exercice ne peut être que profitable, mais pas trop évidemment ! Un peu de danse oui, mais pas le soir dans des atmosphères et lieux propices à l’excitation et à la débauche. Idem pour la bicyclette : cette invention apparaît quasi diabolique pour certains et donnent lieu à de nombreux débats, et articles. Les femmes s’y adonnent avec plaisir. Susan B. Anthony, militante américaine des droits civiques écrit à ce propos en 1896: "Laissez-moi vous dire ce que je pense de la bicyclette : elle a fait plus pour l’émancipation de la femme que n’importe quelle autre chose au monde. Je persiste et me réjouis à chaque fois que je vois une femme à vélo. Cela procure un sentiment de liberté et d’autonomie à une femme."
C’est bien ce sentiment de liberté qui inquiète et menace ! On se questionne sur le vêtement approprié, et surtout sur la pratique elle-même : le frottement entre la selle et l’entrejambe est considéré comme particulièrement malsain et nocif voir immoral. Un journal médical le résume : "La cyclomanie, en dehors de ses périls ordinaires, amène des effervescences, des surexcitations lubriques et des accès de folie sensuelle"
(Petite remarque : on sourit aujourd’hui quand on lit ces textes mais il faudra attendre avril 2013 pour que les femmes saoudiennes aient le droit de faire du vélo.)
Malgré cela de nombreuses femmes, celles évidemment qui le peuvent, acquièrent un vélocipède. Des courses sont organisés, dont une par exemple à Bordeaux le 1er novembre 1868, gagnée par Mademoiselle Julie devant 3000 spectateurs. La bicyclette connaît un vrai succès en France et dans de nombreux pays.
Le contexte social, l’entrée des femmes sur le marché du travail, favorise l’esprit d’indépendance et d’autonomie. Nombreuses vont être les pionnières ; Marie Surcouf, par exemple, organisa en 1906 le premier vol à équipage féminin et déclara : "L’empire des airs appartient à tous et qui oserait contester que la femme n’a pas le droit à la conquête des étoiles ?". L’aviation n’est évidemment pas à la portée de toutes mais les pionnières sont aussi des ouvrières.
Citons la course des midinettes qui a fait couler beaucoup d’encre. Les midinettes sont de jeunes ouvrières de la couture et elles sont 2700 à s’inscrire pour la course du 25 octobre 1903 : Paris-Nanterre soit un peu plus de 11km à faire en respectant certaines contraintes vestimentaires. L’enthousiasme est immédiat malgré l’opposition claire du clergé catholique : une neuvaine est ordonnée pour appeler le mauvais temps qui permettrait d’annuler la course mais la messe n’a servi à rien : le soleil fut splendide !
Le public est là, et Jeanne Cheminet ; modiste, gagne en 1h et 10 minutes !
Quelques années plus tard c’est la guerre de 1914-1918, des secteurs de l’industrie s’ouvrent aux femmes, le sport se développe et des réunions sportives féminines ont lieu en Angleterre et en France. Les équipes de football féminin regroupent des jeunes femmes célibataires, de milieu souvent modestes et professionnellement actives.
Parmi les nombreux noms de pionnières qu’on pourrait citer, mentionnons Marie Marvingt (1875-1963), surnommée "La fiancée du danger", incroyable audacieuse, passionnée aussi bien de cyclisme, d’aviation, conduite automobile, natation et autres…

Venons en à Alice Milliat véritable pionnière, née en 1884 à Nantes. Enseignante à Londres, elle découvre l’aviron. Mariée mais très vite veuve, elle revient en France et se consacre au développement du sport féminin et est à l’origine de la Fédération des sociétés féminines sportives. Trilingue elle est l’organisatrice de quatre olympiades féminines de 1922 à 1934.
Tombée dans l’oubli elle en est ressortie aujourd’hui ; un livre et un film reviennent sur les combats qu’elle a menés.
(voir références du film et du livre en fin d’article)

Alice MILLIAT, la conquête du sport féminin
Résumé du film :

Le sport féminin apparaît dans l’entre-deux guerres grâce aux combats que mène une pionnière oubliée, Alice Milliat née à Nantes en 1884. "L’apôtre" du sport féminin, comme on l’appelait alors, doit faire face à la fois aux préjugés largement répandus dans l’opinion et à l’indifférence et opposition des institutions sportives masculines à la pratique du sport par les femmes. Au moment des années "folles" son projet connaît néanmoins une réussite spectaculaire. Pas moins de 450 clubs sportifs féminins sont crées en France et dés 1921 elle lance une fédération féminine internationale dont elle est la présidente. Elle organise à quatre reprises des Jeux Olympiques féminins : Paris en 1922, Göteborg en Suède en 1926, Prague en 1930 et Londres en 1934. Ce documentaire fait revivre avec des documents d’époque cette singulière et formidable aventure, les étonnants niveaux atteints alors par le sport féminin. Mais l’élan de la fédération féminine internationale est stoppé lors des JO organisés par le pouvoir nazi en 1936 à Berlin et le régime de Vichy met également fin à l’essor du sport féminin en France.

Deuxième partie de la matinée.
Intervention de Myriam Lamarre
, championne du monde de boxe, conseillère régionale dans la lutte contre les discriminations.
Résumé de son intervention et des réponses aux questions de la salle :
"C’est un peu insolite d’être parmi vous car on est souvent plus sur le terrain et il est rare d’être dans un grand regroupement de femmes comme nous.
Je suis sportive de haut niveau depuis 20 ans. J’ai commencé par l’athlétisme, puis la boxe m’est tombée dessus, j’en suis tombée amoureuse, et j’ai été championne du monde dans deux catégories, la boxe française et la boxe anglaise.
Si je viens ici c’est pour dire qu’il n’y a pas de barrières, on œuvre surtout par l’action, en étant sur les terrains, pour moi sur les rings. Je pense que les messages verbaux ont moins d’impacts que les messages visuels. Il faut faire ce que l’on aime sans se soucier du regard de l’autre, être soi en toutes circonstances, donner à l’autre l’envie d’apprécier ce que l’on fait. Ainsi rentre peu à peu dans les mœurs, qu’une femme peut faire de la boxe, du foot, du karaté, tous ces sports qui ont encore une image masculine.
Je suis depuis 2010 déléguée régionale à la lutte contre la discrimination, et il m’est un peu difficile de finir ma carrière sportive dans de bonnes conditions, car malgré mes 38 ans je suis plus proche de la fin que du début. Je trouve très complexe le domaine politique car les valeurs sportives sont aux antipodes des valeurs politiques. Je suis habituée à combattre l’adversaire de face, mais en politique c’est dans le dos et souvent ceux de votre camp. J’œuvre aussi dans des associations caritatives à l’image des valeurs que j’essaie de véhiculer.
On m’a souvent sollicitée pour parler d’homophobie dans des émissions mais j’ai toujours refusé car je ne me suis jamais sentie concernée. C’est sans doute une question de tempérament mais je ne me suis jamais posé la question, jamais soucié de ce que l’autre pensait de moi. Il y a eu sans doute de la discrimination, je ne peux pas dire que d’autres ne l’ont pas vécue mais je ne l’ai pas ressentie. Il faut maintenir une certaine distance, se faire respecter et faire son chemin.
Quant au sexisme et aux discriminations salariales, comme les primes par exemple, j’ai la chance d’exercer un sport jeune, un sport individuel où j’ai pu négocier directement. De plus la boxe féminine devient très connue dans le monde entier.
Au niveau des équipements, je crois que le sport doit être athlétique mais aussi esthétique. J’étais très garçon manqué quand j’étais plus jeune, et très athlétique quand j’ai commencé la boxe. Je n’étais pas au clair avec ma féminité, j’étais dans mon trip sportif et quand j’ai eu les médias braqués sur moi je me suis demandée si je jouais des médias pour faciliter le développement de ma discipline. Cela m’a permis de découvrir ma féminité ; toutes mes tenues sont personnalisées, athlétiques mais féminines. J’ai joué là-dessus pour démontrer de manière subliminale que la boxe pouvait être pratiquée par les femmes tout en étant athlétique, belle et spectaculaire. Passer professionnelle m’a permis de me trouver en tant que femme ; j’ai pu concilier la dureté de mon sport avec la féminité. Cela a surpris, a favorisé la curiosité dans un premier temps, le respect et l’admiration.
En ce qui concerne la reconversion des sportives de haut niveau il est clair que les filles préparent davantage leur futur. Gagnant moins que les garçons elles le préparent en combinant souvent les études et le sport.
Merci de votre accueil et de votre intérêt."

Sexisme et lesbophobie dans le sport aujourd’hui (Suzette Robichon)

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale les femmes vont avoir à combattre bien des résistances pour avoir l’activité sportive de leur choix. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Des avancées se sont faites, c’est indéniables, font, mais les préjugés et inégalités ont la vie dure, les exemples sont nombreux. Ainsi le saut à ski féminin a été accepté aux JO en 2014 seulement alors que les hommes y sont depuis 1924. La raison invoquée est toujours la même : les femmes sont différentes des hommes, faites pour la maternité elles n’ont ni les mêmes compétences ni les mêmes qualités etc etc…arguments répétés et répétés avec des variantes qui masquent mal le discours patriarcal réactionnaire, hétérosexiste, misogyne, terreau des violences faites aux femmes sur tous les plans.
Inutile d’aller chercher loin pour trouver des exemples, chacune en connaît ; et quand on croit avoir gagné dans une discipline sportive on se retrouve avec l’imposition d’une tenue "sexy", autrement dit sexiste dans une autre…
Le premier sexisme notable est celui du choix proposé aux petites filles, dans le sport comme dans d’autres domaines. Tous les sports sont ouverts en théorie mais les obstacles sont bien présents, insidieux évidemment. Les activités privilégiées pour les femmes sont  par exemple la danse, l’équitation (mais au sommet de la fédération les hommes dominent), la gymnastique, la natation (ah les beaux ballets rythmiques), la randonnée. À noter que la sexuation des disciplines varie avec le temps ou le pays : la gym hygiéniste et masculine au XIXème est très féminisée aujourd’hui. Le football féminin est valorisé et médiatisé aux États-Unis mais peu en France.
Cette sexuation repose sur des préjugés bien tenaces et a des conséquences dans tous les domaines.
Sur le plan éducatif, dans le domaine de la formation du personnel éducatif, des équipements, des subventions aux associations il y a un vrai problème. Les équipements collectifs sont généralement pas ou peu adaptés à la présence de filles pratiquant le sport (désintérêt et sexisme du personnel, manque de vestiaire ou plus), politique de la ville dirigée uniquement vers les besoins des garçons, (les filles décrochent souvent à l’adolescence), sexisme, violences sur les stades, ou dans les gymnases, espaces publics conçus pour les garçons donc occupés par les garçons… bref les filles doivent se battre pour prendre leur place, et même s’il ya des progrès il y a encore de quoi faire !
Si elles jouent des compétitions amateures ou professionnelles une des premières discriminations facile à constater porte sur le financement. Sponsors peu intéressés, subventions plus faibles, bus moins confortables pour les déplacements, dortoirs ou hôtels de seconde zone pour les filles mais pas pour les garçons ; les exemples abondent.
Prenons celui des primes au niveau d’une compétition dans le domaine du football.
En 2013, l’équipe de France de football féminin quatrième de la coupe du monde 2011 et des JO 2012 se prépare pour l’Euro. Le journal sportif L’Équipe, dans son numéro du 10 juillet 2013, publie le barème des primes en les comparant à celles allouées aux garçons : c’est édifiant !
Qualification pour les quarts de finale :
0 pour les filles, 100 000 euros pour les hommes
Qualification pour les demi-finale :
8 000 euros pour les femmes et + 50 000 pour les hommes
Qualification pour la finale :
+4000 euros pour les femmes, + 70 000 pour les hommes
Victoire en finale :
+ 11 000 euros pour les femmes et + 100 000 pour les hommes
Total : 23 000 euros pour une victoire en finale pour les femmes contre 320 000 pour les hommes.

Cela se passe de commentaires.
Et cela se poursuit dans tous les domaines, entraîneurs, arbitres etc Le sport est largement dominé par les hommes : 90% des entraîneurs nationaux sont des hommes et la plupart des équipes féminines ont un entraîneur homme. Et évidemment les médias font peu de place aux compétitions de filles, l’exemple flagrant était le foot, le basket et ce malgré les superbes classements des équipes.

Discrimination et sexisme vont de pair.
Dans le numéro du 6 mars 2013, ce même quotidien L’Équipe publie l’article d’un journaliste connu et consultant de football remportant le prix de la beaufitude sexiste comme l’écrira un article de l’Acrimed. Il reconnaît qu’il y a eu des progrès depuis 25 ans car avant "t’avais de grosses dondons qui étaient certainement trop moches pour aller en boîte le samedi soir. ….c’est comme le basket féminin, je veux bien que ce soit attractif mais pour voir une gonzesse dunker faut se lever de bonne heure.." et le reste de l’article continue sur le même mode ! Les scandales sont nombreux, les cas de harcèlements ou violences plus connus et plus souvent dénoncés mais il existe sans aucun doute aussi une sorte de loi du silence.
Pour gagner sa place dans ce monde d’hommes il faut faire plus que sa part, et condescendance, mépris et machisme font bon ménage : au départ d’une course on a parlé de Florence Arthaud comme de la petite fiancée de l’Atlantique et quand elle gagne à l’arrivée on dit que c’est un vrai mec.
Avec cette expression "un vrai mec" on touche bien ce qui est à la racine du sexisme et de la lesbophobie : les sportives doivent ressembler à de vraies femmes, c’est à dire à tous les stéréotypes éculés qui définissent une femme! Les tenues des athlètes doivent répondre à ces stéréotypes : jupes au lieu de shorts, ventres dénudés … Souvenons nous des critiques faites à Amélie Mauresmo sur son physique ; Martina Hingis parlant d’elle comme d’un "demi-homme". Les sponsors n’apprécièrent guère son coming-out, tout comme dans le passé pour Martina Navratilova.
À l’inverse pourquoi Serena Williams qui affiche une musculature impressionnante n’est elle pas accusée d’être un vraie mec ou un demi-homme ? Parce qu’elle affiche en même temps les attributs de la féminité ; ongles, couleurs, bijoux etc…Toute sportive doit faire ressortir sa féminité, sinon des soupçons très forts vont peser sur sa sexualité. Mais qu’est ce qu’une vraie femme ???
Avoir l’air sexy et glamour tel est l’impératif fait aux sportives, l’effort accompli doit se faire avec le sourire, il ne faut pas avoir l’air d’une fille loupée, pas de sueur visible, et en tenue légère et esthétique.

Quelles sont les normes de la féminité ? Qu’est ce qu’une femme ? Qu’est ce que une lesbienne ? Dans le sport toute femme qui a l’air costaud, et ne montre pas les atouts classiques de la féminité est soupçonnée d’être lesbienne… donc pas tout à fait femme !
Pour avoir la paix il faut éviter qu’un tel soupçon vous soit accolé. Briser les codes de la féminité c’est sortir du cadre, c’est affirmer sa liberté, donc vouloir se jouer des normes, donc être plus difficile à contrôler.

Comme l’écrit Anaïs Bohuon dans son livre Les tests de féminité dans les compétitions sportives, "les sportives doivent être des dieux du stade tout en gardant une taille de guèpe et en restant des fées du logis" (p. 16). Il s’agit bien d’une prescription à l’hétérosexualité, par un rappel récurrent des critères de la féminité (beauté, séduction, faiblesse) rappelés sans cesse par les médias, et pas les dirigeants sportifs.
Les tests de féminité :
La pensée straight est très puissante: au XIX et aujourd’hui encore dans le sport de compétition ce sont les médecins qui décident de ce qu’est une femme. Toute sportive peut avoir à le subir. Avant d’en venir à l’actualité revenons en arrière. En 1936 Helen Stephens a 18 ans, elle participe aux JO de Berlin et gagne le 100 mètres. Sa rivale suggère qu’elle n’est peut-être pas une fille ! Helen Stephens (1918-1994) est donc contrainte à passer une inspection génitale. Les premiers tests sont visuels, les athlètes femmes doivent passer devant trois gynécologues femmes, qui vérifient que tout est là où il faut…mais on trouve rarement des femmes et dans ce cas là ce sont des hommes qui font passer le test. On peut sans peine imaginer le choc et l’humiliation subis par Helen Stephens et par des centaines d’autres ensuite.
Au cours des années suivantes les tests se multiplient, se développent, varient, s’affinent mais ne trouvent toujours pas la réponse à ce qu’est une femme car finalement il n’y a pas deux sexes 100% mâle ou femelle mais un spectre beaucoup plus large ! Pour en savoir plus n’hésitez pas à lire le livre d’Anaïs Bohuon et d’Anne Fausto-sterling.
Vous connaissez sans doute le cas de Caster Semenya, athlète sud-africaine,18 ans, qui remporte la médaille d’or aux Championnats du monde de Berlin en 2009 dans le 800 mètres qu’elle termine en 1min 55’45’’ Elle est soumise à un test de féminité car son apparence attire les soupçons, sa poitrine est presque plate et en plus : "Onze athlètes avaient une culotte et une seule avait un bermuda : elle!", preuve irréfutable donc ! Après les test il s’avère qu’elle a tous les attributs sexuels d’une femme mais un génotype XY… Donc elle produit plus de testostérone que la moyenne des femmes… donc elle doit subir un traitement pour pouvoir participer aux futurs JO. Caster s’est sentie humiliée, examinée sous toutes les coutures, son intimité a été mise au jour..elle n’a pu aller chercher sa médaille . Puis on l’a féminisée, on lui a fait porter des tenues plus féminines pour que tout rentre, en apparence, dans l’ordre hétéronormatif.
Elle n’est pas seule dans ce cas car d’autres athlètes, toujours chez les femmes, doivent subir ces fameux tests ; mais par contre rien du côté masculin !

Quelques mots sur l’association Les Dégommeuses. À l’origine c’est une équipe de filles qui, à Paris, font du foot ensemble pour le plaisir, notion importante. Elles rencontrent la photographe et activiste sud-africaine Zanele Muholi. L’Afrique du sud s’est dotée de la constitution la plus ouverte possible pour les homos et les lesbiennes mais un nombre élevé de lesbiennes des townships subissent des viols correctifs, et sont atrocement assassinées. Zanele a créé et soutient le Thokozani club, qui porte le nom d’une joueuse assassinée. Les Dégommeuses décident alors d’organiser une semaine contre la lesbophobie, contre ces crimes et donc de faire venir l’équipe du Thokozani. Cette superbe semaine d’actions s’est tenue en juin 2012 grâce à la volonté et au militantisme des Dégommeuses, des Lesbiennes of Colors, et au soutien, entre autres, d’associations lesbiennes, de nos énergies. Et le lien continue au delà de cette semaine.
Leur travail contre la lesbophobie au quotidien se continue par des actions spécifiques aussi avec des associations locales, par un travail auprès des jeunes et également en lien avec le réseau Les lesbiennes dépassent les frontières, présent ici et qui interviendra dans une autre débat. Au cours de leurs entraînements hebdomadaires, comme de différentes actions elles ont eu à subir de la lesbophobie, de la part d’autres sportifs, des médias mais aussi des institutions qui ont du mal à reconnaître la légitimité de nos luttes.
À côté des Dégommeuses d’autres groupes existent à Paris et dans d’autres villes. Elles se donnent les moyens de se regrouper en tant que lesbiennes pour pratiquer un sport librement choisi, pour prendre l’espace nécessaire, mener des actions, développer des solidarités, conduire des réflexions, et lutter contre toutes les formes de lesbophobie.

Références des films et livres cités :

Film : Alice Milliat, la conquète du sport féminin, film documentaire réalisé par André Devron.

Livre : Alice Milliat, la passionaria du sport féminin, ed. Vuibert, 2005

Film : Ladies’s Turn, réalisatrice Helen Harder, film documentaire, football féminin au cœur des quartiers sénégalais : http://www.ladiesturn.org/. Pour distribution et DVD contactez le centre audiovisuel Simone de Beauvoir : http://www.centre-simone-de-beauvoir.com/

Anaïs Bohuon : Le test de féminité dans les compétitions sportives, ed. iXe, Donnemarie Dontilly, 2012, 192p.

Anne Fausto-Sterling : Les cinq sexes, pourquoi mâle et femelle ne sont pas suffisants, ed. Payot, Paris, 2013, 96 p.

Zanele Muholi : film Difficult Love : https://vimeo.com/95796426

Association Les Dégommeuses : deux films disponibles sur le net
- un sur la semaine Foot for Love : https://vimeo.com/67076668
- un deuxième réalisé avec les Thokozani après leur retour. Thokozani Football club : team spirit : https://vimeo.com/94991062
Plus d’infos sur leurs actions sur leur site et leur facebook.

De nombreux autres ouvrages ont été publiés sur l’histoire du sport féminin. Des recherches et des articles sur le sexisme, la lesbophobie dans le sport, sont également disponibles.